[2011] [2012]
Au début de la décennie, je me prêtais au même exercice qu’ici: une revue de l’année, une rétrospective des déboires accumulés au fil des mois derniers; créer un espace où concilier les pètages de gueule et les potentielles réussites subséquentes. Me revoilà, presque dix ans plus tard — vivant maintenant seule dans mon propre appartement, un baccalauréat et une presque maîtrise universitaire en poches, avec un différent emploi, les mêmes amis mais d’autres amours. Des choses qui changent et qui ne changent pas.
2019. Quelle fucking année.
Où j’ai l’impression qu’à la fois le pire et le meilleur me sont arrivés.
J’ai entamé 2019 malheureuse, aux prises avec des angoisses sourdes qui me nouaient constamment le ventre et la gorge; j’accumulais les crises d’anxiété, tard le soir ou au milieu de la nuit; me revenait incessamment ce sentiment d’être à côté de moi-même, de vivre en-dehors de moi, d’être invisible — inexistante. Pour moi-même et pour les autres.
Au début de 2019 j’essayais de composer avec les affres d’une relation nocive qui me dévorait lentement de l’intérieur, une relation que j’essayais de sauver tant bien que mal, quitte à la porter à moi seule et y investir le peu d’énergie qui me restait. J’étais en amour par-dessus la tête — aveuglément, en fait — avec un homme qui, finalement, m’apportait plus de mal qu’il ne m’apportait de bien. Quelqu’un devant qui j’ai abandonné beaucoup de moi-même et pour qui j’ai tout pardonné à outrances, entaillant un peu plus mon amour-propre à chaque fois. Mensonges, infidélités à répétition, gaslighting, invalidation, humiliation, name it.
Et au printemps, une rupture. La fin du monde, carrément.
Je voyais voler en éclats devant mes yeux la promesse d’un futur que je m’évertuais à bâtir depuis quelques années déjà — bien que j’étais probablement le seule à y contribuer activement. Du jour au lendemain je me retrouvais sans repères, à réaliser combien j’avais, sinon perdu, à tout le moins mis de côté au profit d’une relation déficiente qui demandait que j’investisse tellement de moi-même qu’il n’y avait plus de temps pour rien d’autre. Voilà précisément ce devant quoi je me trouvais, ce qui me restait: rien d’autre.
Ou, en tout cas, c’est c’est le sentiment que j’avais. Il m’aura fallu peu de temps pour réaliser la vitesse à laquelle les gens dans ma vie — famille, amis, collègues — se sont mobilisés pour me rattraper dans ma descente; là où je croyais ne trouver rien ni personne et ainsi être livrée à moi-même, j’ai eu la chance de redécouvrir des liens forts, d’autres amours qui, finalement, ont toujours été là, quelque part autour de moi, m’enveloppant d’une douceur diaphane. Des amours tellement plus lumineux, tellement plus importants que celui, toujours un peu sur la corde raide, d’une relation romantique mal ficelée.
2019 aura été l’année où j’aurai perdu un amour pour finalement en retrouver tellement, tellement d’autres.
Dans les semaines et mois qui ont suivi se sont enchaînés les souper de famille ou entre amis de longue date, les sorties dans les bars jusqu’à pas d’heure, les soirées karaoké à s’époumonner sur des classiques épouvantables, les films quétaines écoutés un peu guerlot avec ma meilleure amie, les dancefloors où plus rien n’a vraiment d’importance que de ne pas se prendre les pieds et s’étaler de tout son long, les journées passées au parc à jouer aux quilles norvégiennes ou les fin d’après-midi à enfiler les drinks sur les terrasses…. Des moments de qualité passés avec des gens qui comptent vraiment, mais aussi des moments de qualité passés avec moi-même, à lire sur le balcon, à re-décorer mon appartement, le réinvestir de souvenirs positifs, recommencer à aller au gym, m’imposer des routines de self-care, et j’en passe.
Là où je pensais m’être perdue j’ai (re)trouvé une version de moi-même que je ne pensais plus connaître. Après des années passées au sein d’une relation où je me sentais continuellement diminuée, insuffisante, j’ai fini par me retrouver grandie, beaucoup plus rayonnante et confiante, assumée. Irrévérencieuse, aussi, parfois. À ce jour je m’impressionne encore de ma capacité de résilience, et c’est non sans une certaine fierté que j’avance vers 2020 en me disant: voilà, je l’ai fait — j’ai réussi à me relever. Je suis encore en vie. Et tellement, tellement vivante.
Je repense avec 2019 avec un sentiment doux-amer, certes, mais je préfères finir l’année en soulignant des petites victoires qui, finalement, sont les plus signifiantes pour moi: m’être entourée de gens inspirants, qui m’importent et qui m’encensent; avoir pris sur moi et être finalement allée consulter en thérapie (ne serait-ce que pour trois mois) afin de démêler les noeuds dans lesquels je me butais continuellement; avoir coupé les ponts avec ma mère, mettant terme à quinze ans de toxicité et d’efforts unilatéraux; avoir appris à faire la paix avec une santé mentale parfois précaire, et accepter le fait que mon cerveau est sans doute wired différemment, mais mérite néanmoins d’être écouté et taken care of. Faire de moi ma priorité, finalement.
J’aimerais pouvoir dire que j’entame 2020 avec une liste d’objectifs concrets et définis; j’aimerais faire la promesse de retourner à l’université finir ma maîtrise, de mieux gérer mes finances, de poursuivre ma routine d’entraînement, d’apprendre à conduire, de partir en voyage, de commencer la rédaction d’un roman ou d’un recueil de poésie — mais, honnêtement, je préfère me concentrer sur les petites réussites, celles qui comptent vraiment: être la meilleure version de moi-même, pour moi et pour les précieuses personnes que j’aime, qui m’ont soutenue au cours de la dernière année et qui continuent de faire fleurir mon quotidien.
J’entame 2020 le coeur tellement, tellement plus léger, et reconnaissante de tout ce que la dernière année m’a emmené — le meilleur comme le pire. Je n’ai pas encore fini de panser toutes mes plaies, et je porte encore les stigmates des épreuves de 2019, j’en conviens — c’est avec beaucoup plus de prudence que j’apprends à aimer, lentement, tout doucement. Aimer moins fort, peut-être, mais mieux. J’ai la chance de finir l’année avec quelqu’un qui m’apprend un peu chaque jour combien il est effectivement possible d’aimer loin des passions dévorantes, qu’il est possible de construire quelque chose de beau et simple où il fait bon quotidiennement revenir. Quelqu’un qui, pour la première fois depuis longtemps, me donne le sentiment d’être enfin là où je devrais être, et d’avoir enfin trouvé ce que je (et tout le monde) mérite: ce qu’il y a de plus doux et de plus lumineux.
Je repense à ce que mon père m’a répété maintes fois au lendemain de ma rupture et que, bien qu’il s’agisse de paroles toutes simples (évidentes, même) j’aimerais partager avec tellement de gens de mon entourage (hélas des filles, surtout), qui settle down pour moins que ce qu’elles ne méritent vraiment: relationships are supposed to feel good. Qu’il s’agisse de relations amoureuses, familiales ou amicales. Et, surtout: personne ne mérite d’être votre fin du monde. Entourez vous de gens qui vous font du bien. J’ajouterais même: soyez cette personne qui vous fait du bien.
Car voilà ce que je nous souhaite, pour 2020: de la bienveillance et beaucoup, beaucoup de douceur.