Lettre ouverte à Richard Martineau, ou « Plaidoyer pour ma propre intelligence »


Monsieur Martineau,
(Je conserverai le « monsieur » et emploierai le vouvoiement, un peu malgré moi, parce que, contrairement à vous, je sais faire preuve de respect à l’égard d’autrui — notion qui semble vous avoir échappée dans vos plus récentes chroniques.)

Évidemment, vous ne lirez pas cette lettre. Tout au plus sera-t-elle lue par six ou sept personnes — je n’ai évidemment pas la même tribune que vous. Je l’écris davantage dans une optique de défoulement, sachant pertinemment qu’elle ne fera jamais son chemin et que, même si c’eût été le cas, mes propos vous passeraient sans doute dix pieds au-dessus de la tête. Parce que vous êtes intouchable. Ou tout simplement, parce que vous vous en foutez.

Je pourrais me contenter de dire que le contenu de vos chroniques relève de la même qualité que des propos tenus par une gang de babyboomers qui profitent de l’absence de leurs femmes pour faire un barbecue en chest et bitcher contre elles, et que je m’insurge de savoir qu’il y a encore de la place pour des tels raisonnements à deux cennes dans la presse. Mais je tâcherai de rendre mon argumentaire plus pertinent.

Parce que, oui, M. Martineau: je suis une jeune femme — une fille — et suis pourtant en mesure de m’exprimer décemment, de manière structurée et logique. Et j’ai même pas eu besoin de mon chum pour avoir l’idée de vous écrire ceci. Pas pire, hein?

Je prends rarement la peine de m’offusquer contre le contenu douteux — pour ne pas dire pratiquement abrutissant — de vos chroniques dans le Journal de Montréal. Généralement, je me contente de lever les yeux au ciel, voire de maugréer en soupirant de découragement. Mais, là, M. Martineau, avec la publication de votre texte Les filles, c’est nono, une réponse s’impose. Non seulement vos propos dépassent-ils l’entendement, mais plus qu’un outrage à la décence, votre texte est carrément une attaque à l’intelligence.

À mon intelligence. À celle de toutes les filles, femmes. Et une telle chose ne peut être tolérée.

Dans l’ensemble, je m’en fous un peu, de votre opinion, M. Martineau. Je ne vous ai jamais tenu en très haute estime, et peu m’importe que vous soyez suffisamment méprisant pour tenir des propos aussi éminemment misogynes sans même prendre conscience de l’ampleur des énormités que vous proférez et, surtout, de quelles sont les conséquences potentielles de vos actes dans l’espace public. En fait, ce qui m’inquiète — un peu comme ce fût le cas avec le fameux Roosh V — ce n’est pas tant l’imbécile qui monologue devant tout le monde, mais bien plutôt tous ceux qui, derrière leur écran, adhèrent à ce genre de discours. Parce que oui, hélas, des gens vous lisent, et des gens prennent pour argent comptant la valeur de vos paroles, s’en abreuvent aveuglément sans faire preuve du moindre jugement. Je m’inquiète parce que votre « notoriété » (j’emploie ici de très gros guillemets) vous permet d’étendre à grande échelle non seulement votre imbécillité, mais également la haine des femmes intrinsèquement sous-jacente à vos écrits.

Je m’inquiète parce que vous encouragez des gens à penser comme vous. Parce que vous propagez un discours rabaissant à l’égard des femmes, et parce que vous participez non seulement à la culture du viol en faisant de vos chroniques le lieu de victim-shaming, mais parce que, de surcroît, vous légitimez un discours aliénant, en lui faisant arborer les traits de l’humour. Et ça, M. Martineau, ça participe à une banalisation de la violence faite aux femmes — violence qu’il faudrait bien plutôt dénoncer et condamner plutôt que d’en faire du matériel humoristique (non-subversif).

Sur votre page Facebook, vous avez plaidé l’argument du second degré, vous réclamant d’une mauvaise interprétation de votre texte. Or, le problème, M. Martineau, c’est qu’il n’y a pas de second degré à lire entre les lignes. (Comme un ami faisait remarquer à ce sujet: Si vraiment il y a second degré, qu’en est-il? Que les filles, c’est pas nono, mais que les femmes sont simplement nettement inférieures aux hommes intellectuellement?) Le problème, c’est que — et il ne tardera sans doute pas avant que vous ne jouiez la carte des « droits fondamentaux de la liberté d’expression » –, humour ou pas, ce genre de discours est inacceptable. Et puis, ne pouvons-nous pas estimer que le Québec est rendu plus loin que ça, dans le domaine de l’humour? Avec la relève humoristique, depuis quelques années (et notamment avec des artistes tels que Mariana Mazza), n’essayons-nous pas, au contraire, de nous affranchir des blagues de « sable dans le vagin » et des personnages féminins caricaturaux particulièrement dégradants? Les humoristes québécois ont usé le gag de la cruche de service à la tonne; il est temps de passer à autre chose, M. Martineau. Votre raisonnement — ou votre « humour », comme vous l’appelez — est passé de mode. Tout comme votre hargne à l’endroit des féministes, d’ailleurs. Il serait grand temps que vous fassiez un pas de l’avant, vous aussi: je vous assure que le féminisme ne peut être que favorable à une société — si, du moins, on s’en sert autrement qu’en tant que matériel pour ridiculiser et insulter les femmes.

Je ne suis qu’une étudiante de 21 ans; je n’ai pas vécu autant que vous, c’est vrai. Mais j’ai vécu suffisamment, déjà, pour savoir qu’une fille ne devrait pas avoir à évoluer dans une société où le discours social ambiant est encore éminemment entaché de la misogynie d’une époque antérieure. J’ai vécu suffisamment, déjà, pour savoir qu’il y a trop d’hommes comme vous, qui tiennent des discours méprisants à l’endroit des femmes — et j’ai vécu suffisamment, déjà, surtout, pour savoir qu’il ne devrait plus y avoir de place pour de tels propos dans l’espace public, plus notamment dans la presse et les médias. Je suis révoltée, M. Martineau. Révoltée, parce que nous, les filles, avons déjà assez à subir les jokes sexistes de nos mononcles archaïques, à grandir entourée des chums de notre père ou de notre frère qui traitent les femmes comme si elles ne valaient rien, à endurer de voir notre image quotidiennement charcutée et piétinée par la société et les médias. Une fille, M. Martineau, ne devrait pas grandir dans un monde où, dans les vestiaires, entre boys, après une game de hockey, il soit acceptable de parler d’une fille en tant que « pas ben ben bright, mais crissement fourrable ». Votre fameuse chronique, non seulement est-elle abrutissante (et raciste, ajoutons-le), mais elle encourage à penser que c’est par manque de jugement, par idiotie que les femmes se « complaisent » dans les troubles de comportements alimentaires et dans des relations de violence conjugale. De ce fait, vous tournez en dérision des problèmes sociaux majeurs dont sont victimes nombre de femmes plutôt que d’en faire une matière à réflexion; non seulement banalisez-vous notre situation, mais, pis encore, vous nous en portez entièrement responsables.

Parce que voilà ce que sous-entend, en quelque sorte, votre chronique, en bout de compte: non seulement êtes-vous suffisamment condescendant pour employer le terme « fille »plutôt que « femme », nous dénigrant d’entrée de jeu, mais vous osez plaider notre infériorité face à cette soi-disant « élite d’hommes blancs » dont vous vous réclamez.

La violence faite à l’égard des femmes est déjà beaucoup trop partout omniprésente, M. Martineau, pour qu’une chronique supplémentaire allant en ce sens soit encore tolérée. Ce sont des hommes comme vous qui participent à pourrir le discours social, en le disséminant de propos haineux encourageant non seulement aux stéréotypes, mais également à une insidieuse violence.

Ne pas adhérer à vos propos, M. Martineau, ce n’est pas, comme vous l’avez vous-même professé, faire preuve d’illettrisme — c’est faire preuve de bon sens. C’est se prémunir contre l’abrutisation déjà encouragée ad nauseam par les médias, et contre ceux qui, comme vous, prennent plaisir à la propager.

M. Martineau, vous êtes un déchet.

Cordialement,
Une fille intelligente (et en colère)

La voix d’Emma: d’E. Bovary à E. Watson


Tout le monde l’a vu, tout le monde en a parlé; c’est effectivement avec quelques semaines (mois?) de retard que je me positionne finalement dans ce grand débat qu’a été celui soulevé par le fameux discours d’Emma Watson aux United Nations – vous savez, celui où elle proclame que le féminisme n’est pas seulement une affaire de femmes, où elle incite les hommes à se joindre à ce mouvement dont il sauraient, eux aussi, profiter? Voilà, celui là. Ce fameux discours qui inaugurait le mouvement de He for She et qui, à certains égards (et peut-être de façon légitime) a su faire grincer quelques dents.

Emma Watson n’est pas la première – et ne sera d’ailleurs certainement pas la dernière – à s’autoproclamer féministe publiquement. Plusieurs vedettes (des popstars, majoritairement) ont effectivement fait parler d’elles cette dernière année à ce sujet : on pense notamment à Miley, la self-proclaimed ‘‘biggest feminist in the world right now »; à Beyoncé, qui se donne en spectacle aux VMAs en petite tenue devant un grand écriteau lumineux proclamant  »FEMINIST »; ou encore Lady Gaga qui revient sur ses propos et affirme que sa chanson  »G.U.Y. » est l’incarnation même du  »new age » feminism; ou encore Lorde, qui s’offusque des chansons  »anti-féministes » de ses semblables… et j’en passe. (Et puis, il y a Katy Perry, qui n’a encore rien compris au féminisme, mais ça viendra. Keep it up, Katy.)

Bref : l’usage du mot « féminisme » (souvent à tord et à travers) par les vedettes de la culture populaire est maintenant devenu un motif récurent – aucun doute là-dessus. Reste à savoir, maintenant, s’il faut s’en réjouir… ou pas. Mais, d’abord, revenons-en à notre Emma.

Certes, Emma Watson n’est pas une popstar et, de ce fait même (parce que cela va de soi, désormais) ne fonde pas sa célébrité ni sur son apparence (quoique ça aide, et quoi qu’on retrouve probablement une section qui lui soit dédiée sur le /b/ de 4Chan), ni par la mise à l’avant d’une (hyper)sexualité clairement affichée/affirmée. Donc, rien à voir avec Beyoncé, quoi qu’on en dise. Oui, Emma fait inévitablement partie de l’industrie; impossible, de nos jours, d’être actrice sans se trouver intrinsèquement imbriquée dans toute la machine qui va avec, soit celle participant à forger (un culte de) l’image. Oui, Emma a fait la couverture de magazines; oui, on la retrouve (peut-être à corps défendant) dans les articles à potins du genre Star Système; oui, c’est une jolie fille qui prend soin de son apparence et, de ce fait même, participe à encourage un idéal corporel/un idéal de beauté. Va-t-on vraiment commencer à reprocher aux jolies filles d’être jolies, ou de prendre soin de leur apparence? Sérieusement? (Ceux qui auront lu mes articles précédents sauront comment, à mon avis, l’apparence et le soin qu’on accorde ne se porte jamais garant de ce qui nous définit et, pis encore, de nos convictions – sociales ou autres)

Bien que je sois essentiellement d’accord avec la discours tenu par Emma, je dois admettre que, moi aussi — surtout après la lecture de plusieurs articles rédigés à ce sujets, tous d’opinions diversifiés — je suis portée à grincer des dents quant à certains aspects de ce discours. Je m’explique.

D’abord, j’ai lu quelque part comment sa manière d’inclure les hommes en soulignant comment eux aussi sauraient tirer profit du féminisme — notamment en expliquant comment les hommes, eux aussi, sont victimes d’injustices sociales, d’ostracisations, aliénés par des archétypes et idéaux de masculinités auxquels tout un chacun ne saurait répondre — relève, au final, d’une simple propagande de séduction. (Le terme est un peu fort, certes, mais on peut effectivement voir les choses sous cet angle). « Ce n’est pas à nous de faire les yeux doux et de distribuer des biscuits pour que les hommes se sentent heureux, aimés, appréciés », c’est vrai. Devant un tel argument, je me retrouve à la fois en accord et en désaccord. D’abord, c’est vrai qu’il m’est absurde de penser comment, en effet, il soit nécessaire de ré-axer le féminisme autour des hommes pour que ceux-ci daignent s’y intéresser — après tout, les hommes n’ont-ils pas des conjointes, des mères, des soeurs directement concernées par la lutte féministe? Que le féminisme s’acharne à avantager la moitié de la population (et ses droits) devrait, quant à moi, suffire à la sensibilisation de la gent masculine, c’est vrai. Or, peut-on vraiment leur en vouloir? Inutile de le nier: le féminisme fait effectivement mauvaise figure auprès des hommes (et auprès des femmes aussi, mais, ça, n’en parlons même pas…) C’est vrai, quoi: si les hommes sont réticents à appuyer la cause des féministes c’est, selon moi, à défaut d’être en connaissance de cause, c’est le cas de le dire. Dans une telle optique, donc, le geste d’Emma s’avère bénéfique, voire nécessaire: il est effectivement grand temps de rappeler aux hommes, et à la population en général, comment le féminisme n’est pas qu’une affaire de « bouledogues mal-baisées », que les féministes ne sont pas nécessairement « anti-hommes » et comment, surtout, le féminisme devrait bel et bien être d’intérêt général. Je suis d’idée que le féminisme lutte avant tout pour l’égalité des genres — je suis d’ailleurs la première à prendre également la défense des hommes, consciente de comment certains de nos enjeux commencent progressivement à les atteindre, eux aussi de plus en plus sujets à une certaine forme d’aliénation. (J’y reviendrai plus spécifiquement dans un prochain article, promis.)

Qui plus est, je me vois forcée d’admettre que tenir un tel discours revient, d’une façon ou d’une autre, à sous-entendre que tout le monde peut être féministe — chose que je déplore un peu, en fait. « Le féminisme populaire réussit parfois à présenter l’étiquette féministe sous un jour flatteur, mais, pour ce faire, il la vide de son sens. C’est évidemment contre-productif. Quand on dit « tout le monde peut être féministe », on dit « ça ne prend pas grand chose ». Quand on tente de dédramatiser le féminisme, on le réduit à un courant conciliant, doux, gentil et bien contenu dans les sujets à peu près consensuels. » (SourceAprès tout, c’est vrai, quoi: être féministe, c’est une lutte quotidienne, c’est se questionner quant à la construction des genres et ses conséquences dans notre société, c’est prendre part activement au mouvement, tenter à sa manière de faire progresser les choses. Être féministe, c’est beaucoup plus qu’un simple statut Facebook ou un hashtag sur Twitter: en ce sens, je suis d’accord, ce n’est pas « n’importe qui » qui peut être féministe — ce n’est pas une mode que l’on adopte en enfilant un crop-top ou le dernier modèle tendance de Ray Bans : c’est une idéologie, une façon d’être. Un désir de faire partie de quelque chose.

Ensuite, c’est vrai qu’il reste toujours à se demander quelle place doivent/devraient occuper les hommes au sein du mouvement féministe. (Je cite souvent ce blog, De colère et d’espoir car, même si je ne suis pas 100% d’accord avec tout ce qui s’y dit, demeure indéniable la valeur et la pertinence de son argumentaire). Seulement, selon moi, inclure les hommes, les inciter à se joindre à nous, n’implique pas de les mettre au front, en tête de notre mouvement; en fait, je trouve absurde de croire que d’inclure les hommes sous-entende nécessairement qu’ils chercheront à leader le mouvement — penser ainsi revient, selon moi, à concevoir tous les hommes comme des machistes-fascistes incapable de se tenir à la place où ils doivent se tenir. Inviter les hommes à joindre le mouvement féministe ne sous-entend pas non plus que nous ayons besoin d’eux pour faire avancer les choses — n’adoptons pas une vision apocalyptique de la chose non plus. Est-il seulement si inconcevable que les hommes puissent prendre intérêt au mouvement féministe sans nécessairement vouloir le renverser de l’intérieur, en tenir les rênes? Vraiment?

Par ailleurs, je me dois d’admettre que, le problème, avec le « féminisme populaire » (ou le « féminisme rose-bonbon », comme l’appellent les plus pessimistes), est la manière dont il vient altérer la conception que ce font les jeunes filles (et les moins jeunes, et les femmes, et les hommes) de ce que représente réellement le féminisme, soit une lutte nuancée, diversifiée, considérée en son sein même sous plusieurs angles et selon différentes conceptions. Comme je l’ai lu dans cet article, le problème, avec les popstars et célébrités à la Beyoncé, c’est qu’il s’agit souvent d’une des seules références qu’ont les gens en terme de féminisme. Encore une fois, ce n’est pas par imbécillité que le commun des mortels aboutit à de telles conceptions, mais par manque de connaissance (quand ce n’est pas par simple manque d’intérêt, du moins). Dans l’imaginaire collectif, hélas, le féminisme se retrouve généralement restreint à cette opposition binaire où l’on retrouve deux archétypes pré-établis aux antipodes l’un de l’autre, c’est-à-dire, d’un côté, la vedette à polémique qui incarne le féminisme par son empowerment by sexuality et, de l’autre, notre éternelle bouledogue-lesbienne mal-rasée. On se retrouve donc à évacuer inévitablement tout le reste de ce spectre que représente le féminisme dans toutes ces nuances. « This is why Beyoncé is so dangerous; if she is the only point of contact that many young girls and adult women have with feminism, then the message is skewed. Yes girls, you can be strong, and independent, and powerful – but only as long as you look beautiful, gyrate for men, submit to your husband, and get a man to ‘put a ring on it’. » Parce que voilà ce qui me dérange, justement, avec un cas comme celui de Beyoncé: tandis qu’elle se retrouve au coeur des ragots concernant un supposé divorce de Jay-Z, alors qu’elle proclame vouloir être un bon role-model féminin pour sa fille, demeure toujours que Beyoncé, à mes yeux, demeure loin d’incarner la mère monoparentale réelle, celle qui n’est pas world-wide famous et qui a de la misère à joindre les deux bouts pour offrir une existence décente à son enfant. (Et je parle en connaissance de cause, ayant moi-même grandi avec une mère monoparentale). Sans doute le féminisme populaire incarne-t-il une certaine facette du féminisme contemporain, je ne saurais le nier — or, il évacue in fine toutes les autres facettes du féminisme, le restreignant à une représentation (faussement) manichéenne.

Donc, en général, oui, j’appuie le discours tenu par Emma Watson aux U.N.; or, je comprends effectivement la réticence de certains(es) à y adhérer. Après tout, n’est-ce pas là le propre même du féminisme, d’éveiller différentes réflexions, d’engendrer une certaine controverse? Le féminisme est, nous l’avons dit, un concept si vaste, si nuancé, qu’il est inconcevable, à mon sens, que tous soient d’accords et le conçoivent de la même manière. Après tout, ce phénomène ne date pas d’hier: depuis des décennies, des siècles, on se questionne à savoir qu’est-ce qui est réellement féministe (sans trop savoir ce que cela veut dire). Aujourd’hui, on se demande si Emma Watson incarne véritablement le féminisme, tout comme on se questionne à savoir si l’on doit concevoir la Emma Bovary de Flaubert comme étant l’une des figures pionnières du féminisme de la littérature française — tout comme on se demande si Madame de Merteuil des Liaisons Dangereuses, ou encore Nelly Arcan, l’étaient, elles aussi; tous comme on se demande encore si féminisme et prostitution puissent faire bon ménage, etc.

Une chose me fait grincer des dents, et m’a incitée, ces derniers jours, à revoir ma position concernant notre Emma Watson, qui a encore fait parlé d’elle en se trouvant au sommet des sujets trending sur le webosphère: c’est-à-dire son apparition de la prochaine édition du Elle Magazine UK, ce fameux « First Feminist Issue« . Honnêtement, je suis réticente à me prononcer sur le sujet, à défaut d’avoir lu le mgazine en question (pas encore paru, d’ailleurs). Seulement, je suis un peu mal à l’aise: alors que je l’ai appuyée aveuglément dès lors que j’ai entendu ce discours, ce genre d’exposition médiatique (qui entre inévitablement, selon moi, dans la commercialisation de l’appellation feminist) me laisse perplexe. Car, comme quelqu’un d’autre que moi l’a dit, « every female celebrity that poses without clothes on the cover of a men’s magazine has a vested interest in preserving the status quo, because her career is based on selling the status quo’s glamor. » J’ai du mal à concevoir qu’un magazine — essentiellement constitué de publicités pleines de représentations du corps de la femme comme objet à consommé — puisse être fondamentalement honnête et bien-intentionné lorsqu’il promeut ainsi le féminisme. Or, comme je l’ai dit, je n’ai pas encore mis la main dessus; c’est pourquoi, donc, avant de grimper trop rapidement aux rideaux et de crier au scandale, avant de juger qu’il ne s’agit qu’une stratégie marketing, je me contenterai de dire que, à mon avis, il s’agit peut-être là d’un mauvais move de la part d’Emma. Mais, qui sait? Peut-être le Elle Magazine y fait-il bel et bien l’apologie du féminisme en bonne et due forme, c’est-à-dire en prenant en considérations toutes ses nuances… qui sait. J’y reviendrai sans doute lorsque j’en aurai fait la lecture.

D’ici là, je continuerai (encore et toujours) à m’informer sur le sujet: car, contrairement à ce que plusieurs osent en dire — et je déplore cette manière qu’ont les féministes dites « radicales » de se fermer à tous ces (plus ou moins) nouvelles formes de féminismes — je crois que la popularité que gagne notre lutte auprès des grandes masses (dites « populaires ») mérite que l’on s’y arrête, qu’on y réfléchisse. Car, si le féminisme dit « rose-bonbon » nous permet d’apprendre une chose, d’en tirer une leçon, c’est bien la suivante: le féminisme a bel et bien toujours raison-d’être, mérite toujours d’être au coeur des discussions et des réflexions, demeurant toujours d’intérêt public. Nous reste ensuite à y prendre part activement; qu’on soit homme ou femme, il est nécessaire de se pencher sur la question et sur la manière dont tout un chacun saurait en tirer avantage.

Sur ce, je vous laisse sur cette excellente conclusion de Virginie Despentes, tirée de son tout aussi excellent ouvrage King Kong Théorie (2006):

« Le féminisme est une révolution, pas un réaménagement des consignes marketing, pas une vague promotion de la fellation ou de l’échangisme, il n’est pas seulement question d’améliorer les salaires d’appoint. Le féminisme est une aventure collective, pour les femmes, pour les hommes, et pour les autres. Une révolution, bien en marche. Une vision du monde, un choix. Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air. Sur ce, salut les filles, et meilleure route… »

Féminisme et mascara: une émancipation superficielle?


Pour donner suite à mon précédent article, et en réponse à celui écrit par Sophie Durocher: Oui, on peut « être féministe et vouloir se teindre les cheveux ». Et, oui, moi aussi « j’en ai marre des idéologues qui veulent empêcher les femmes d’avoir du plaisir à être belles! »

J’ai déjà expliqué en quoi la nouvelle émission de Jean Airoldi me révoltait; or, bien que je sois en parfait désaccord avec les propos qu’elle soulève dans le Journal de Montréal, je dois accorder à madame Durocher qu’il est pardonnable, en effet, d’avoir du mal à comprendre la relation controversée existant entre le féminisme et l’industrie du cosmétique. Plutôt que de m’acharner à expliquer pourquoi le fait de reprendre une émission anglaise qui « a fait fureur aux É.-U. à TLC » n’est pas inévitablement une sage décision (parce qu’on ne souhaite évidemment pas une version québécoise de The Office), essayons plutôt de comprendre pourquoi, dans l’imaginaire collectif, le mouvement féministe et le soin de l’apparence font rarement bon ménage — et pourquoi une telle mentalité est, à mon avis, complètement absurde.

« Féministe, toi? C’est drôle, pourtant, t’en as pas l’air! » Mettons d’abord une chose au clair: on ne peut pas avoir l’air d’une féministe. Malgré les récentes popstars qui se self-proclaim comme telles, être féministe n’est pas une mode; on ne le devient pas comme ça, selon une envie du jour, au même titre qu’on décide de s’acheter un haut peplum couleur corail, « juste pour voir de quoi ça aurait l’air ».

Honnêtement, j’ai pris l’habitude de voir les gens hausser un sourcil (ou deux) lorsqu’ils m’entendent parler de féminisme — moi, la fille qui arrive à ses cours de littérature avec un Vogue magazine dans les mains, j’ai lu Simone de Beauvoir et The Beauty Myth? Absolument. Oui, je me maquille — truth is, ma trousse de maquillage quotidienne contient probablement tout l’attirail d’un maquilleur professionnel. Oui, je m’habille et me coiffe avec soin — je me plais à porter des talons hauts, même pour aller à mes cours, où personne ne verra mes pieds, sous les bureaux. « L’important, c’est que t’arrives à te trouver belle même sans », m’a un jour répliqué une fille à qui j’essayais d’introduire le principe du Lipstick feminismEt même si je ne me trouve pas belle, sous mon fond de teint et mascara, en quoi mon estime personnelle se doit-elle d’avoir une quelconque corrélation avec mes idéologies et principes? (Et là, évidemment, je lui ai parlé du phénomène Nelly Arcan, comme je le fais toujours…)

Car voilà justement un point qui revient souvent, lorsque l’on se questionne à la relation qu’entretiennent féminisme et soin de l’image: le maquillage renforce-t-il l’estime qu’a une femme d’elle-même, ou, au contraire, ne fait-il qu’y nuire? Comme le fait remarquer Twiggy dans son article à ce sujet sur T&T, si le maquillage est un sujet controversé au sein du (des?) mouvement(s) féministe(s), c’est d’abord parce que, dès qu’on parle de cosmétiques, on pense davantage à la manière dont on l’utilise pour se « cacher » plutôt que de se mettre en valeur. Alors que certaines femmes ne sont pas à l’aise du tout lorsque leur visage se retrouve fardé, pimpé, pour d’autres (dont moi-même), l’entretien de l’image est, certes, une façon de se définir en public, j’en conviens, mais, surtout, un hobby comme un autre — d’où la multitude de blogs et chaînes Youtube dédiés à des makeups tutorials, que je consomme moi-même abusivement. (Oui, je me plais à essayer de nouvelles techniques de maquillage — ou de coiffure — toute seule chez moi, même lorsque je prévois passer la soirée à écouter Adventure Time en joggings dans mon lit.)

Bien que plusieurs estiment le contraire, le maquillage est une forme d’art — ce n’est pas pour rien, d’ailleurs, qu’en anglais on nomme un maquilleur/une maquilleuse makeup artist. Agencer les couleurs, construire des effets d’ombrages et de lumière, mettre en valeur la structure et le caractère de certains traits faciaux; le visage devient comme une toile, un canevas vierge où on peut faire preuve de créativité. Ou, du moins, telle est l’idée que je m’en fais lorsque je me poste devant mon miroir pour les vingt prochaines minutes, chaque matin. (« Mais ce pourrait être vingt minutes de sommeil supplémentaires! », vous entends-je déjà dire. Le truc, c’est que je dors déjà très peu anyways.)

Tandis que certaines proclament le contraire, soigner son apparence — maquillage, vêtements, cheveux… — demeure avant tout un choix; aucune femme ne devrait s’attifer de quoi que ce soit contre son gré; au contraire, plutôt que de booster son estime et sa confiance en elle, cela ne ferait que la rendre inconfortable, cela va de soit. Car on oublie souvent l’un des intérêts (pour ne pas dire buts) premiers du féminisme: qu’une femme se sente bien telle qu’elle est ou, du moins, telle qu’elle souhaite l’être. Oui, le culte de l’image est profondément ancré dans notre société (surtout en Amérique du Nord), et plusieurs femmes subissent les conséquences négatives de son diktat; or, une domination n’en est une que lorsqu’on lui permet de le devenir.

Soigner son apparence, aussi superficiel cet intérêt puisse-t-il paraître, ne devrait en aucun cas être considéré comme un résultat direct de la patriarchie — car, avouons-nous le, rares sont (ou, du moins, rares devraient-elles être) les femmes qui se maquillent pour leurs semblables masculins. Soyons honnêtes, mesdames: combien de fois un homme vous a-t-il complimenté sur votre contour ou sur votre choix de lipstick? Personnellement, je me plais davantage à l’idée d’aller faire une virée chez Sephora entre copines, plutôt qu’à l’idée de quelle sera la réaction de mon copain devant ma nouvelle marque de mascara. Et n’oublions pas que les hommes, eux aussi, sont de plus en plus ciblés par l’industrie du cosmétique (on pense notamment à la gamme de plus en plus élargie des produits Nivea for Men, les parfums, et, même, les BB creams pour hommes…), étant également victimes d’un idéal de beauté difficilement atteignable.

L’entretien de sa propre image, se maquiller ou ne pas se maquiller ne devrait jamais être représentatif de nos convictions, ni de la personne que nous sommes. Bien que je rie toujours un peu jaune lorsque les gens me disent que je n’ai « pas le profil d’une étudiante en littérature », le temps que je passe devant mon miroir chaque matin n’aura jamais, pour moi, la moindre incidence sur ce que je suis fondamentalement et sur ce dont je souhaite faire de ma vie.

Devrais-je avoir honte de me proclamer féministes malgré la perception péjorative qu’en a la société? Absolument pas. Devrais-je avoir honte de me maquiller abondamment, malgré les préjugés auxquels me réduisent la société? Absolument pas. Devrais-je, par conséquent, avoir honte de ne pas représenter le stéréotype et l’idée préconçue que se fait la société d’une féministe?

J’en doute. Je m’en vais relever le défi de brûler mon soutien-gorge en me mettant du mascara tout à la fois, et on s’en reparle.

Airoldi, Manitou de la fontaine de Jouviance.


Tout le monde en a probablement déjà entendu parler, étant donné les réactions enflammées que l’on peut retrouver çà et là sur la sphère du web (notamment sur cette page facebook ou dans cet article), c’est-à-dire la nouvelle émission de Jean Airoldi.

Airoldi. Je ne suis pas très jet-set pour tout ce qui a trait aux « vedettes » québécoises, mais celui-là, je l’avais déjà pris en grippe avant même de voir sa gueule dans Google Image. Airoldi, c’est ce type qui flanquait des « contraventions de style » (oui-oui) à des monsieurs/madames-tout-le-monde dans les centre-d’achats. En d’autres mots: celui qui faisait savoir au Québec au grand complet comment tu ne sais pas t’habiller, et comment tes pantalons sont so two-thousand-late et qui, pour se faire pardonner cette forme d’intimidation (parce que c’est exactement ce dont il s’agit), t’offrait un certificat-cadeau et des conseils de stylistes pour que tu t’habilles mieux. Oh et, n’oublions pas l’émission « Airoldi habille sa maison », où on te montrait comment monsieur Airoldi a donc ben plus d’argent que le commun des mortels! Oui, bon, ce gars-là.

Pour ceux qui n’en n’ont pas encore entendu parler, voici, brièvement, le concept de sa nouvelle émission, qui sera diffusée sur Canal Vie dès lundi: on place des femmes dans des cages en plexiglass, et on demande aux passants quel âge semble avoir ladite madame. Oui, d’accord. C’est pas ce qu’il y a de plus commode à faire subir à une femme, mais on a vu… non? L’affaire, c’est que, alors que dans l’émission dont il est question ci-haut, monsieur Airoldi aidait madame-mal-habillée à se refaire une garde-robe, cette fois-ci, notre gourou de la mode aide madame-qui-a-donc-l’air-vieille à se refaire faire la gueule. Oui, je parle bel et bien de chirurgie esthétique — de scalpels, de botox, et autres truc du genre dont une femme a donc besoin pour se sentir bien, belle et en forme. (Vous pensez que j’invente? Un avant-goût de l’émission se trouve sur ici-même)

Cette émission est profondément dérangeante, et pour toutes sortes de raisons. Tout d’abord, parce que d’exposer des femmes dans des cages transparentes évoquent étrangement le red-light district  — soit juste un lieu où des femmes s’exposent pour vendre leur corps et faire vivre l’industrie du sexe. Ensuite, parce que d’étaler des madames-tout-le-monde dans des cages de verre, c’est les déshumaniser; d’en faire ainsi l’étalage, c’est les réduire à une objectification déjà beaucoup trop encouragée par la société, en plus de les rabaisser au même niveau que de vulgaires morceaux de viandes avariées. Parce que voilà comment doivent se sentir ces femmes, victimes du joug du terrible Jean Airoldi: comme de la viande avariée.

Nous savons déjà comment l’industrie du cosmétique et pharmaceutique s’en mettent annuellement plein les poches, merci aux madames-tout-le-monde qui lisent trop les conseils beauté du Châtelaine et qui, par conséquent, se comparent donc constamment avec la nouvelle stagiaire qui vient d’être engagée au bureau — t’sais, celle qui a vingt-sept ans de moins et qui, évidemment, n’a pas le même physique? Vieillir n’est plus une norme socialement acceptée: au contraire, les femmes doivent désormais lutter quotidiennement contre le moindre signe qui pourrait trahir leur âge véritable. Regardez combien les pharmacies abondent des crèmes raffermissantes, de sérum ainti-vieillissement, de lotions anti taches brunes et de correcteurs pour les rides. Les rayons de cosmétiques et de soins esthétiques en débordent et, malgré leur prix exorbitant, ces cochonneries (dont les résultats restent sérieusement à prouver) se vendent en quantité hallucinantes. Cette aliénation est tellement omniprésente qu’il va se doit, quand la compagnie Annabelle offre deux BB crèmes différentes, d’opter pour celle qui contient « une solution miracle contre l’apparence des ridules et l’affaissement de la peau »… même si on a seulement vingt ans. (Clin d’oeil à la petite fille chez Pharmaprix qui m’offrent constamment des échantillons des nouveaux produits de Jouviance ou de Biotherm « contre la vieillesse », franchement.)

Honnêtement, que Canal Vie en vienne à accepter de diffuser sur ses ondes une telle abomination n’a rien d’étonnant: car, bien qu’il s’agisse d’un des principaux « porte-étendard » (parce qu’on ne peut apparemment pas dire « commanditaire ») de la Journée Sans Maquillage, n’oublions pas comment il s’agit d’une des chaînes principales, au Québec, qui se fasse un plaisir de nous diffuser encore et encore une multitude d’émissions de relookage, de bonnes femmes qui jasent des nouveaux musts de la saison et de comment, cet été, il faut absolument la nouvelle collection de baumes à lèvres Lise Water. Canal Vie, après tout, est passé maître dans l’art de faire réaliser aux gens (aux femmes) combien leur vie est donc fade et ordinaire. Non, ce qui m’étonne, ce qui m’insurge, c’est que des femmes puissent accepter de subir une telle humiliation publique, montant d’elle-même sur l’échafaud qui les conduira à leurs pertes.

Voulez-vous bien me dire, mesdames, en quoi monsieur Airoldi est mieux placé que quiconque pour vous dire de quoi vous devriez avec l’air? Je vous rappelle qu’on parle du type qui se pense bien fringué parce qu’il a collaboré à une collection pour l’Aubainerie et parce qu’il ne porte que des chaussures Aldo. (Sérieusement, vieux, t’aurais beau être Christian Dior et ne porter que des Louboutin, ça ne te donnerait pas plus de pouvoir sur les Manon et les Guylaine mal dans leur peau et, de ce fait même, plus vulnérable encore au jugement masculin.)

Parce que, il faut le préciser: ce ne sont que des femmes qui ont le droit à ce traitement, ô combien abjecte, de Jean Airoldi. Pas un seul monsieur à qui l’on reproche le double-menton, la bedaine de bière, les tempes grisonnantes, ou les poils qui sortent des oreilles. Jamais. « Parce que nous, les hommes, on est ben trop intelligents pour ne pas se laisser avoir par la game de l’industrie pharmaceutique qui veut nous vendre des produits miracles pour paraître plus jeune. » Faux: vous n’êtes pas plus bright que nous autres, femmes. L’affaire, c’est que la société vous accepte, vous et votre physique qui commence à se relâcher. Que tu ne sois plus très baisable à partir de quarante-cinq ans, la société, elle s’en fout. Mais ta femme, par contre, elle, faudrait vraiment faire quelque chose, parce que, franchement, sa taille de poire et ses pattes-d’oie…

Je pourrais encore écrire des heures durant sur cette aberration, sur comment je m’insurge de voir que le Québec est encore trop profondément imbécile pour vouloir renoncer à diffuser ce genre de pollution. Je pourrais vous raconter comment, quotidiennement, je vois des femmes de mon entourage – ma mère, des enseignantes, des amies – victimes de cette aliénation, s’insurgeant contre leur corps de vieillir encore et encore, sans que le processus ne veuille jamais s’interrompre ou se ralentir. Je pourrais expliquer comment il va de soi que le corps d’une femme change, en vieillissant – à cause de la gravité, de la ménopause, des grossesses, de la vie en général.

Mais j’ai un échantillon du nouveau sérum anti-âge de Jouviance à aller essayer. J’ai juste vingt ans, mais, si on veut que ça marche vraiment, si je veux être encore désirable et telle que Jean Airoldi veuille que je sois, dans ma quarantaine, autant commencer tout de suite…

#PasDeCagePourMonAge